CPAS de Tournai : questions-réponses concernant l'affaire de détournement

Publié le 1 septembre 2018
Rédigé par 
Ecolo Tournai

Suite à l’affaire de détournement de fonds du CPAS de Tournai, nos candidats Laura et Jean-François ont réalisé pour vous un dossier, présenté sous la forme d’une interview, afin de faire un peu la lumière sur ce scandale ayant secoué la vie politique tournaisienne de ces derniers mois, et plus particulièrement sur l’action d’Écolo…

Laura Canoo-Michel

Laura Canoo-Michel

13e sur la liste Ecolo

Jean-François Letulle

Jean-François Letulle

2e sur la liste Ecolo, Conseiller CPAS sortant

Jean-François, certains disent qu’on entend plus parler d’Écolo sur le dossier CPAS. Qu’en est-il vraiment ?

On peut aller plus loin dans ces rumeurs. Certaines personnes essaient même de faire croire que si Écolo ne s’exprime plus, c’est que forcément il y a un accord avec le PS…

Je vais aller droit au but, cet argument est faux et relève d’une approche politicienne qui ne grandit pas l’homme politique.

Non, ce dossier a toujours été mené avec opiniâtreté et en totale indépendance d’esprit. D’ailleurs, je ne me suis pas fait que des amis, en tant que seul mandataire Écologiste au sein du CPAS, avec ce dossier. Cela étant, ce n’est pas grave. Je n’ai pas besoin de la politique pour me faire des amis. Ce n’est pas ce que les citoyens attendent d’un mandataire. Aujourd’hui, si on n’entend plus parler de cette affaire, c’est que nous sommes simplement rattrapés par le temps judiciaire .

 

Justement, quelle a été l’action d’Écolo Tournai, par ton entremise, dans le cadre de ce dossier ?  

L’action a été multiple et, dès le début, nous nous sommes toujours fixés comme objectif de ne pas faire d’attaque ad hominem en réclamant, par exemple, d’éventuelles démissions. En effet,  cet aspect bien précis (la démission éventuelle),  relève, à mes yeux, d’une responsabilité politique individuelle et Écolo n’a pas à s’immiscer dans les choix d’autrui même si, en ce qui me concerne, j’aurai probablement agi autrement. En revanche, ma responsabilité, en tant que mandataire, c’est aller au bout des choses et en toute indépendance. C’est ce que les citoyens attendent de nous et c’est ce qu’Écolo a fait !

 

Et donc, concrètement …

Concrètement, nous avons effectivement révélé cette affaire au grand jour, tout en respectant les institutions. A cet égard, dois-je rappeler que vu le caractère ultra-sensible de cette affaire, après avoir investigué avec la conseillère Écologiste sortante, Marie-Jo Snappe, nous avons pris la décision d’aller trouver l’autorité politique de la ville et du CPAS afin de faire part de nos suspicions, avant même d’en parler à notre propre parti ? Je ne suis pas certain que beaucoup de personnalités politiques auraient agi de la sorte…

Cependant, ce n’était pas tout. Il était hors de question de se cantonner à un rôle de « donneur d’alerte ». Très vite, comme cela s’est fait ailleurs dans d’autres dossiers similaires, nous voulions que l’autorité communale (PS-MR… faut-il le rappeler) assume un minimum ses responsabilités en communiquant. A nos yeux, face à la défiance que vit le monde politique de nos jours, on devait tout faire pour éviter de s’enfermer dans un mutisme qui ne ferait qu’alimenter les suspicions auprès de la population. A de nombreuses reprises, tant au niveau du conseil de l’action sociale qu’au niveau des conseils conjoints ville-CPAS, Écolo a exhorté la majorité pour quelle sorte du bois. Or, la seule réponse que nous avons obtenue fût : « On ne communique rien car il y a le secret de l’instruction ! »

 

Pourtant, vous avez communiqué… Entre autres choses, sur le montant du préjudice…

En effet, j’estimais que la notion du « secret de l’instruction » était utilisée un peu trop opportunément. J’ai toujours prétendu, à titre d’exemple, que le montant du préjudice n’était en rien un secret d’état qui pouvait nuire à l’instruction. Après tout, il ne s’agit pas de l’argent du CPAS en tant que tel, mais bien d’argent public. Les citoyens avaient donc le droit de connaître ledit préjudice. En recoupant certaines informations, je savais pertinemment bien que ce montant fût supérieur à ce que d’aucuns laissaient entendre en off. D’ailleurs, pour donner suite au travail d’Écolo afin de faire la clarté sur ce préjudice, le Procureur du Roi a lui-même répondu à une interview de Sandra Durieux, pour Le Soir, en précisant que la somme détournée avoisinait les 3,4 millions d’euros. Soit, un préjudice de 50 euros par habitants !

 

Et donc, votre travail en est resté là ?

Pas du tout. Très vite, j’ai remarqué que s’il y avait des dysfonctionnements dans la chaîne de contrôle (ce qui sera mis en avant par le rapport de la Task force* initié par la majorité), il était nécessaire de revoir la législation qui balise les mécanismes de contrôles quant à la gestion faite par un Directeur Financier. La législation fait porter une responsabilité trop grande à des décideurs politiques locaux qui n’ont pas nécessairement les compétences pour l’assumer. A cet effet, en étroite collaboration avec notre chef de groupe à la Région Wallonne, Stéphane Hazée (député), nous avons interpellé le ministre des pouvoirs locaux (Paul Furlan – PS –  puis, par la suite, Valérie De Bue – MR) afin de faire la clarté sur ce qui pouvait l’être et, surtout, instaurer un organe de contrôle (de type cours des comptes comme pour l’administration publique wallonne) qui serait, avec des experts, en mesure de réaliser des coups de sondes financiers à l’égard de nos CPAS.

A ce jour, les ministres sont restés sans réponse concrète et, je dois bien le reconnaître, les Écologistes, et moi en particulier, nous nous trouvons bien seuls dans ce combat pour une meilleure gouvernance financière.

Plus récemment (dans le courant du mois de mai 2018), nous avons également gagné un recours auprès de la Ministre des pouvoirs locaux afin que nos conseillers communaux puissent avoir accès aux informations que possède l’autorité communale sur cette affaire. En effet, cet accès au dossier nous était interdit sur base d’un argumentaire juridique que nous trouvions très contestable.

 

 

*Task force : Groupe de travail apolitique réunissant des spécialistes des finances et du droit administratif, désigné pour mettre au jour les dysfonctionnements inhérents à l’affaire de détournement, tout en faisant des propositions (recommandations) afin d’assurer un bon usage de l’argent public.

 

Pourtant n’est-ce pas l’organe communal qui, aujourd’hui, possède la tutelle financière sur les CPAS ?

Oui, effectivement, c’est le cas. Cependant, permettez-moi tout de même d’y voir un sérieux problème. Un des préceptes les plus élémentaires quand on veut instaurer une véritable tutelle, et donc agir en tant que contrôleur neutre et indépendant, c’est, bien entendu, la distance qu’il y a avec l’objet que l’on contrôle. Je parle bien évidemment de la neutralité. D’ailleurs le rapport de la Task force ne dit pas autre chose. Or, aujourd’hui, que constatons-nous à l’échelle de notre région ? Les liens entre nos villes et nos CPAS sont toujours plus étroits. On renforce les synergies et certains souhaiteraient même une fusion (ce qui, à mes yeux, serait préjudiciable). Comment voulez-vous, dans ces cas-là, que nos villes puissent exercer une véritable tutelle neutre et indépendante ?

 

Un audit du CPAS serait-elle une bonne chose ? 

Ça c’est effectivement l’idée du CDH qui, j’imagine, sera reprise par le groupe « Ensemble ». Je ne vais pas discréditer cette idée car, si on en a les moyens, ce n’est jamais une mauvaise chose que de mener une « radioscopie » d’une institution. Cependant, en ce qui concerne notre CPAS, ce qui a dysfonctionné est très clair. On peut d’ailleurs le déduire du rapport de la Task force. Or, un audit, ce n’est jamais qu’une photographie d’une situation à un moment donné. Pour moi, il y a lieu d’aller beaucoup plus en profondeur, vu que l’on sait ce qui a dysfonctionné, en s’attaquant à la source : renforcer notre législation ! Pour cela, il faut une véritable volonté politique et l’enjeu se trouve au niveau régional. Moi, je ne peux que me faire le témoin actif de ce qui a dysfonctionné au niveau local.

 

Et aujourd’hui, peut-on penser en savoir « officiellement » un peu plus… ?

Écoutez, je viens justement de téléphoner il y a quelques jours au parquet. Le dossier est toujours entre les mains du Procureur du Roi. L’instruction est terminée et il appartient au Procureur du Roi d’approfondir et de transmettre le dossier, le moment venu, à la chambre du Conseil qui, seule, pourra décider si le dossier sera porté vers le tribunal correctionnel . En effet, vu le malheureux décès de la Directrice Financière, si le dossier devait malgré tout être porté devant le tribunal correctionnel, cela sous-entendrait que la chambre du conseil estime qu’il y a, le cas échéant, d’autre(s) personne(s) qui méritent d’être impliquée(s). Cela étant, je ne peux me substituer à la justice et, comme tout le monde, nous nous devons d’attendre. Mais encore une fois, laisser sous-entendre qu’Écolo se serait « adouci » relève d’une mauvaise fois crasse vu le rôle que nous avons joué !